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Teinture végétale, tenue et procédés

Teindre à partir des plantes, ou comment désarmer le « fast fashion » pour ralentir et trouver des alternatives douces pour la peau et pour l’environnement.

Aussi poétique que la teinture naturelle puisse paraître, il reste encore beaucoup de préjugés et de fausses croyances à déconstruire lorsqu’on parle de teinture naturelle!

Voici quelques idées préconçues qui nous font friser les cheveux:

  • « la teinture naturelle ne tient pas »

  • « ohh oui tu teins avec des légumes / des betteraves / du curcuma »

  • « teindre, c’est juste bouillir »

  • « c’était à la mode durant la période hippie »

  • « c’est impossible de reproduire une couleur »

Quelques notions d'histoire

On retrouve des traces de teinture textile datant du Néolithique. Tout au long de l’histoire, les populations ont teint leurs tissus à partir des matières colorantes disponibles localement.

Certaines teinture végétales tel le pastel des teinturiers, l’indigo et la garance étaient cultivées pour la vente et constituaient des marchandises importantes dans l’économie d’Asie et d’Europe. Des teintures à base de cochenille ont été apportées en Europe par les flottes espagnoles, et les colorants d’Europe ont été transportés en Amérique par les colons. En Chine, la teinture à partir des plantes, des écorces et des racines remonte à 5 000 ans.

On sait aujourd’hui que les Premières Nations avaient également leurs propres usages des plantes tinctoriales du Québec et utilisaient entre autre les racines de sanguinaire du Canada ainsi que les rhizomes de gaillet et de savoyane pour obtenir du rouge et du jaune.

Ce n’est que depuis le milieu du XIXe siècle que les teintures synthétiques ont commencé à remplacer les colorants naturels dans l’industrie textile. Il est donc assez réducteur de dire que la teinture naturelle n’était qu’une mode durant la période hippie!

Qu'est-ce qui fait qu'une plante a un potentiel tinctorial plus intéressant qu'une autre?

À peu près n’importe quelle plante peut produire de la couleur, mais seulement une poignée d’entre elles ont une couleur assez puissante ainsi qu’une résistance au lavage et à la lumière suffisante pour conserver sa couleur pour toute la durée de vie du tissus. La différence se situe principalement au niveau du groupe de constituants chimiques contenus dans la plante.

Les plantes contenant des anthocyanes sont souvent très colorés et peuvent sembler être de bonnes plantes tinctoriales. Pourtant, leurs pigment sont solubles dans l’eau et ont une mauvaise tenue à la lumière et au lavage. Ils sont principalement utilisés pour colorer les aliments dans l’industrie agroalimentaire.

ex: mûres, bleuets, cerise, violette, prunes, mauve, betteraves, curcuma, …

On peut séparer les plantes tinctoriales en plusieurs catégories:

  • Plantes de grand teint: Ce sont les plus résistantes à la lumière et au lavage. Les meilleurs plantes tinctoriales conservent leur couleur de 15 à 100 ans sur une fibre bien préparée.

  • Plantes de teint moyen: Elles sont plus sensibles et offrent une couleur moins stable dans le temps. On peut commencer à remarquer une altération de la couleur à partir de 2 à 15 ans.

  • Plantes de petit teint: Ces plantes n’offrent pas une tenue de la couleur intéressante pour les projets de teinture végétale. La majorité des plantes dont celles contenant des anthocyanes se trouvent dans cette catégorie.

La teinture végétale, comment ça marche?

C’est tout un art que de maitriser chacune des composantes pour obtenir un bon résultat!

Voici un aperçu des éléments qui doivent être bien maîtrisés pour assurer une bonne qualité et permettre une certaine reproductibilité:

 

Cueillette des plantes tinctoriales

On aime cultiver nous même nos plantes colorantes pour choisir les plantes que l’on aime utiliser et se laisser aller le ciseau sans crainte d’avoir un impact négatif sur la flore en place dans notre écosystème! Lorsque nous effectuons une cueillette sauvage, nous respectons quelques règles de bonnes pratiques et nous assurons d’identifier correctement les plantes et de laisser suffisamment en arrière pour permettre la pérennité des ressources. – Les fleurs doivent être cueillies à leur apogée, avant la formation des graines – Les racines sont récoltées tôt au printemps ou l’automne venu – On récolte les feuilles matures, plutôt que les jeunes pousses de manière à stimuler la croissance des plants

Préparation de la matière colorante

Au besoin, les racines sont lavées, les feuilles et les fleurs sont séparées des tiges et le tout est disposé sur des plateaux pour être séchées. Certaines racines doivent être moulues avant d’être utilisées dans un bain de teinture, afin de permettre une bonne uniformisation de la couleur. D’autres plantes, comme le pastel des teinturiers, doivent être préparées fraîches afin d’en extraire le pigment.

Préparation de la fibre - Débouillissage

Voici une étape cruciale dont on ne parle pas assez! Chaque fibre a ses propres particularités et doit être préparée à sa propre façon. Les fibres animales comme la laine doivent être bien lavées afin d’en retirer le suint et les graisses résiduelles tandis que les fibres végétales (lin, cotton, chanvre, …) sont recouvertes d’une pellicule protectrice qui empêcherait la couleur de bien se fixer. La laine et la soie sont sensibles aux chocs de température et doivent être lavés dans une eau dont on monte graduellement la température afin d’éviter de feutrer la laine, ou de perdre la brillance de la soie. Cette étape nous prend de 1h à 3h, selon la fibre utilisée et les soins dont elle a besoin.

Mordançage

On applique le mordant sur le tissus afin de permettre à la couleur de se fixer. C’est l’étape qui permet à la couleur de s’accrocher au tissus en générant une réaction chimique qui créée un composé insoluble au niveau de la fibre, liant la couleur au tissus de manière permanente. Après avoir fait baigné nos tissus dans le bain de mordançage pendant au moins 2h (et parfois toute une nuit!), nous laissons sécher les fibres à l’air libre afin de permettre une oxydation et de terminer le processus. Sans étape de mordançage, la couleur serait pâle et ne tiendrait pas sur le tissus lorsqu’exposée au soleil ou au lavage.

Préparation des motifs

Si on désire appliquer un motif sur le tissus, c’est à cette étape que nous effectuons le shibori, une technique traditionnelle japonaise qui consiste à plier, nouer ou coudre le tissus de manière à créer des espaces où la couleur ne peut atteindre la fibre, afin de créer les motifs. C’est une technique longue, qui demande beaucoup de minutie! C’est aussi la technique qui nous a la plus inspirée à expérimenter dans les dernières années et majorité des motifs créés sur nos foulards ont étés créés ainsi.

Bien d’autres techniques provenant des quatre coins de la planète permettent de créer des motifs, à différentes étapes de la préparation du tissus.

Bain de teinture

Enfin le bain de teinture! Lorsque nous en sommes à cette étape, c’est que nous avons presque terminé (!!) On effectue le bain de teinture en faisant macérer les matières colorantes dans l’eau pendant plusieurs heures avant de réchauffer le bain pour en extraire les pigments. On retire les plantes du bain de teinture avant d’y immerger nos fibres préparées et ré-humidifiées.

Plusieurs facteurs ont une grande influence sur la couleur obtenue. À cette étape, nous devons contrôler la température, le pH et le temps du bain afin d’obtenir la couleur que l’on désire. Certaines plantes comme l’oseille des champs doit bouillir à 100°C pour avoir une couleur intéressante. D’autres comme la garance doivent rester sous 70°C afin que la couleur en ressorte éclatante. Nous pouvons également ajouter un acidifiant comme le vinaigre ou l’acide citrique (jus de citron) ou un alcalinisant comme de l’hydroxyde de potassium (soude de cendres) pour altérer la couleur. On ajoute parfois aussi du sulphate de fer afin d’oxyder la couleur et d’obtenir des tons olives.

Voici un exemple de palette de couleur que l’on peut obtenir à partir d’une seule et même plante!

Avec ces quelques concepts de base, vous comprendrez que l’univers de la teinture naturelle s’inscrit dans un processus de lenteur, de patience et d’amour; un esprit de respect et de contemplation. Les connaissances sur le monde de la teinture végétale sont infinies et il reste encore beaucoup à découvrir. En ce sens, chaque foulard créé de manière artisanale demeure, au bout du processus, une surprise. Il sont bien encrés dans leur territoire tout comme dans les traditions qui ont su apprivoiser, au travers des époques, ces connaissances précieuses.